dimanche 27 juin 2010

ROM - Sur le fil (juin 2010)

La Trame

Sur toutes les planètes que j'ai visitées, j'ai rencontré des diseuses de bonne aventure, des voyantes, des oracles. Où qu'il soit dans l'univers, l'être humain ne peut se passer du réconfort de la superstition. Depuis des millénaires, l'Empire terrien tisse sa toile ésotérique aux quatre coins de la galaxie. Mais je ne sentais rien en moi, mon cœur était vide. Il avait soif de profondeur. Je décidai d'arpenter les terres de croyance. Je voulais me mêler aux obscurs réseaux de la foi, entendre des langues, voir des visages, toucher des mains qui priaient, craignaient, espéraient. Je suis parti vêtu de l'humble habit du pèlerin, anonyme, pour rejoindre un courant plus vaste.

J'ai parcouru des sentiers tracés par d'anciennes confréries dévouées aux mystères de l'esprit humain. Je me suis mêlé aux foules en liesse sur les pages de Hodfu, sous les déluges d'astéroïdes mourant dans la mer, et j'ai partagé leur ferveur. Dans les dédales des marchés de Kern, j'ai senti vibrer sous mes pieds les catacombes et leurs monstres ; j'ai côtoyé leurs légendes. On m'a parlé de dieux et de démons, d'anges et de nymphes. Des gourous, des prêtres, des chamans, des poètes m'ont reçu dans leurs palaces ou leurs taudis. La plupart étaient des charlatans, mais certains rayonnaient d'une certitude qui me semblait autant folie que sagesse. Quelque chose dans leurs yeux m'attirait.

J'ai fini mon périple dans les cabanes suspendues de Roöd où des hôtes aux visages indifférents me nourrirent en silence avant de me laisser dormir. Sous les étoiles, je voyais les branches de l'Arbre s'entremêler, à peine frémissantes, et sertir comme des vitraux les éclats du ciel. Dans la plaine, plus loin, les pas légers des chasseurs faisaient bruire la nuit. Des arcs se tendaient, des traits partaient dans la brume et des bêtes, haletantes, se couchaient pour mourir. Il me semblait que ce court trajet de la vie à la mort était la seule chose dont je pus être certain. Le sommeil tardait à venir. J'observai le temps suspendu sur les crêtes des montagnes, les bras croisés au bord du vide. Des corps simiesques dévalaient en couinant les branches et les broussailles. Une demi-lune, striée par les feuillages, jetait un rayon pâle. Je refusais d'accepter que j'avais terminé ma route, que tout ce que j'avais trouvé, c'était ce glissement furtif du soir entre les arbres et ce peuple nocturne silencieux, vaquant à ses occupations sans s'occuper du monde. Il me fallait plus que cette simplicité.
L'air était tiède. Des grains de pollen s'accrochaient à l'écorce des troncs. J'appuyai ma tête contre une paroi de la cabane et m'endormit.

Je fis des songes troublants. Dans une clarté laiteuse, des visages m'apparaissaient, voilés. Plus je tentais de les approcher, plus leurs formes s'effaçaient, laissant autour de moi des masques aux traits gommés. J'avançai dans un paysage de formes estompées. Les chemins, sous mes pas, ne menaient à rien d'autre qu'un horizon blanc et inerte. Des lignes s'y agitaient, d'abord grises, puis de plus en plus lumineuses, jusqu'à devenir d'un éclat insoutenable. Je détournai la tête mais mon regard se brûla à d'autres enchevêtrements étincelants. Tout autour de moi rayonnaient ces courbes mouvantes. Je ne comprenais pas leurs dessins. Elles m'enserraient davantage, frôlant ma peau, m'hypnotisant. Je m'aperçus qu'elles traversaient les corps fantômes autour de moi. De mon propre cœur jaillissait un rai de couleur blanche. Mon pouls affolé projetait des secousses lumineuses dans ce réseau de fils impalpables qui se déplaçait avec les déambulations des silhouettes. Je fis quelques pas, cherchant à me calmer. La toile de lumière enveloppa mes membres, se formant et se reformant au moindre de mes gestes. Chacun de mes mouvements la modulait d'une autre façon. Certains nœuds brillaient davantage que d'autres. Le tout semblait presque vivant. Au fond de mon sommeil, je sentis quelque chose naître en moi. À mon réveil, je quittai Roöd.

Cette année-là, plus de deux cents sectes nouvelles s'établirent dans l'Empire. En dix ans, sept religions avaient rejoint le panthéon hétéroclite de la foi terrienne. La Flotte avait colonisé deux planètes, dont l'une possédait une atmosphère euphorisante qui attirait scientifiques et drogués. En l'an 9 998, Rune tomba aux mains des prêtres rouges. Il y eut des massacres, puis la paix revint. On célébra enfin le dixième millénaire de l'Empire, à coups de processions et de prières.

Quant à moi, après ma nuit à Roöd, je parcourus la Trame. Je passai d'abord deux ans dans les glaces lunaires à appréhender la puissance et l'étendue de la toile lumineuse qui s'était révélée à moi. Mes rêves, de plus en plus réels, se muaient en transes qui duraient plusieurs jours. Je me déplaçais en esprit sur le réseau lumineux, apprenant à suivre un chemin jusqu'à sa disparition, à remonter de nœud en nœud, à m'orienter dans ce labyrinthe mental. J'y découvrais des images et des souvenirs. Mes souvenirs. La Trame était très dense autour de mon corps. Elle frémissait et je suivais ces secousses imperceptibles pour remonter le cours de ma propre vie. Je compris que j'accédai à la structure cachée de ma présence au monde. Durant mes longs sommeils, je marchais sur le fil de mon existence. Le temps n'était plus linéaire : il était cet enchevêtrement même de possibles, il se fragmentait le long de toutes ces directions envisageables. Chacune de mes décisions remodelait l'ensemble. Le passé et l'avenir étaient à ma portée. Mon futur, cependant, me restait imprécis.

Je repris contact avec l'humanité dans une chambre d'hôtel du quartier pauvre de Lohr. J'avais ramené une fille, ni belle ni laide, entre deux âges. Après nos ébats silencieux, elle s'endormit et, au contact de ses cheveux d'ébène, mes mains crépitèrent comme parcourues d'électricité. Je fermai les yeux. La Trame m'apparut, plus vivante, plus nette que jamais auparavant. Elle se mouvait au rythme des respirations de la jeune femme. Mes doigts scintillaient au-dessus du front rêveur. Pour la première fois, je pénétrai dans le réseau d'une autre vie que la mienne. M'arrivèrent en foule des visages brouillés, comme des photos de famille floues, et quelques joies. Beaucoup de larmes. Je vis la misère d'une existence ordinaire, sans espoir de changement. Je déambulai des heures dans les méandres de cette vie autrefois inconnue, que désormais je connaissais par cœur. Mon esprit accélérait le long de ces filaments blanchâtres, se propulsant d'un nœud à l'autre. Je me laissais guider, sentant, à l'éclat diminuant des courbes, que j'approchais d'une fin. Une odeur de poudre me suffoqua. Je manquai d'ouvrir les yeux, mais tins bon. Un voile plus sombre que les écrans blanchâtres de mes visions s'estompa peu à peu. J'aperçus un corps inanimé, la tête en sang, le pistolet à la main. Je sentis la Trame se rétracter, quittant douloureusement la silhouette allongée sur le plancher. Les lucioles s'éteignirent une à une. Chaque disparition m'arracha un cri muet de souffrance. Je sortis de ma transe meurtri et perclus de fatigue. La fille dormait, dans la même position que la femme suicidée sur le plancher.

En l'an 10 005, je m'installai sur Orbanne, petite lune insignifiante, à la périphérie du territoire de l'Empire. C'était une planète rongée de tristesse et de superstition. Y vivait un peuple rêveur à l'espoir déçu. Je tenais une échoppe miteuse dans une rue où abondaient librairies ésotériques, salons de voyance, dortoirs de rêve. Dans les faubourgs, des femmes vendaient du plaisir à peu de prix. Ici, nous vendions de la foi au rabais.
Je monnayais mes prédictions et acquis rapidement une certaine célébrité dans le quartier. Mais la Trame était ma demeure maudite. Je voyais le destin de ceux qui venaient me consulter, mais surtout, je voyais leur mort. Je sentais la Trame s'effacer après chaque vie arrivée à son terme. C'était toujours une torture. Les fils, d'étincelants, devenaient ternes, puis disparaissaient. La Trame se reformait, laissant dans l'oubli les êtres qui étaient partis. Bientôt, l'épuisement me gagna et l'acuité de mes visions diminua.

À cette époque de ma vie, lorsque l'homme entra dans ma boutique, je ne saisissais plus de la Trame que quelques fulgurances, éclats trop vite éteints sur un fond blanc. L'inconnu, de grande taille, avait les traits tirés et les orbites creusées. Sans un mot, il s'assit à la table et je fermai les yeux. D'abord, je ne distinguai rien. Derrière mes paupières closes, rien ne s'agitait. La Trame n'était plus là. Je paniquai, m'exhortant intérieurement au calme. Ce vide me terrifiait. Puis je remarquai des formes brouillées, sombres, qui s'imprimaient et s'agençaient sur le fond clair. Elles dessinaient des visages qui m'étaient familiers. De lents courants enfumés passaient de l'une à l'autre. Les volumes gonflaient et se tordaient autour de moi. Ils m'englobaient dans leurs esquisses trop compliquées à mes yeux, et pourtant familières. Tout à coup, je sentis une présence habiter ces ombres. L'homme aux yeux cernés se déplaçait sur la mosaïque de fumée et s'avançait vers moi. Il dansait d'une forme à l'autre, habilement, sans hâte, choisissait une arabesque, contournant une rosace. Je ne comprenais pas les ressorts de cette trame d'un autre genre, si paresseuse, si sombre – pourtant si dense. Mes doigts brassaient le vide, chassant des vapeurs noires qui se remodelaient instantanément ailleurs.
C'était d'une beauté incroyable. Mais ce n'était plus la Trame que j'avais connue. J'ouvris les yeux. L'inconnu, en face, avait les siens fermés. Ses traits se contractèrent l'espace d'une seconde, tirés par la douleur. Il me fixa de ses prunelles d'or et me sourit tristement.
– C'est pour bientôt, dit-il simplement.
Et il disparut dans un claquement de cape.

ROM - Sacré Graal (mai 2010)

Miroir


Erald quitta la ville à l'aube. Une chaleur épaisse et moutonnante suait des larges plaines de blé rouge couchées sous les murailles. Le Pays, nonchalamment, bâillait, et la langue rose du matin lapait l'horizon humide. Le jeune homme, sourire d'enfant et cheveux d'or, s'élança aux côtés de sa monture, laissant d'abord celle-ci allonger quelques enjambées de titan, avant de s'y hisser agilement. Sous leur course fougueuse s'ébrouait la crinière rousse des plaines. La cuirasse gris pâle de la bête miroitait sous les rayons, et ses halètements de feu, par endroit, faisaient craquer la terre. Au son des trompettes lointaines de la citadelle, le dragon prit son envol ; son corps fuselé et puissant, s'agrippant aux courants chauds, monta en flèche vers le ciel. Ses battements d'ailes, par moments, frôlaient les derniers rubans pâles des brumes nocturnes. Erald, relâchant sa prise, sentit son cœur battre au rythme de ces lents crissements d'écailles sur l'air pur du matin.
Superbe journée en perspective, ouverte sur des horizons déserts. Vers le Sud, les rivières de sable leur indiquaient la route. Cette troisième année de quête touchait à sa fin, et Erald percevait, sensation nouvelle, qu'il approchait enfin de quelque chose. Un soupçon d'insouciance se mêlait à son enthousiasme. Il se sentait l'âme épique, quoi qu'on en dise.

La nuit arrivée, ils avaient trouvé refuge dans les hauteurs d'une forêt, couchés contre le ventre du ciel, aimait à penser Erald. Son dragon, Lory (c'était une femelle), était pendue aux branches basses et ronflait. Notre voyageur avait, lui, atteint les cimes. Visage d'or penché sur les frondaisons, il dominait le monde endormi. Il parcourut à grandes enjambées le tête frissonnante des arbres, imperceptible, levant la sienne vers les étoiles. Pourtant, il trouvait quelque chose d'angoissant à cette nuit sereine, splendide, et n'osait fermer les yeux. Des falaises grises dressaient leur haute stature à quelques kilomètres ; en jaillissaient, porté par la brise, de doux murmures, et parfois un rire. Les bois ployaient dans cette direction, prêtant hommage à ces géantes de pierre. C'était sans doute stupide de croire tout cela magique, mais voilà ce que ce se disait Erald, magique... Tant d'étrange élégance faisait naître en lui une sourde plainte. Mais le sommeil s'empara si vite de lui ! Son corps s'évanouit dans les feuillages, léger comme une plume, et atterri dans un grand buisson de gui. Car la fatigue sait se montrer brutale et quelquefois, comme la mort qui ne s'annonce pas, elle vient chercher son dû.
Erald rêvait déjà avant d'atteindre sa couche végétale. Il rêvait des visions divines, chuchotées par d'immortelles lèvres.

Des ruisseaux pourpres se ruent à l'assaut d'un marbre noir. Erald vibre d'excitation, la main sur la garde de son épée. Son périple touche à sa fin. Graal de tous les Graal, son destin, la raison de ces rêves innombrables... Le même palais de cendres, qu'il rêve depuis des années, se dresse comme un puits de nuit sur la surface du monde, néant irrésistible. Dans les clairs obscurs du songe, il tente de distinguer, à l'intérieur, ce qui peut l'attendre : un objet légendaire, une révélation, une rencontre ?
Rien qu'un soupçon de rouge dans cette mer d'onyx, rien d'autre. Le fil écarlate d'une vie sur une toile d'ombre. Coulure de sang chaud – des pleurs dans la nuit froide.

Au réveil, il était nuit encore. Lory grondait en bas, affamée. Erald haletait, secoué de frissons ; une main glaciale agrippait son esprit. Au fond de sa gorge, pour la première fois, le goût amer de la peur. Il cria à sa bête, d'une voix plus forte qu'il ne l'aurait voulu :
– Allez, va chasser et on décolle !
Repas englouti, ils reprirent la route. Le cours escarpé de l'Ondine, d'en bas, les guidait, perdu dans l'ocre des plateaux. Plus loin encore, on décelait l'éclat ténu des Mers de Jade. Mais là n'était pas leur destination. Il leur faudrait, derrière les portes du monde, en rejoindre le reflet inconnu. Ils se rendaient en Miroir. Cette terre sans habitants, ni vivants, ni morts, simple ébauche d'un monde possible, était peu accueillante. Elle n'aimait pas qu'on cherche à la remplir et expulsait la plupart de ceux qui, orgueilleusement, s'y engageaient. Aventuriers, exilés, armées... : on avait retrouvé, aux frontières du Miroir, des hommes vieillis de dizaines d'années, vivant des rêves dont ils ne pouvaient plus s'échapper, fous pour la plupart, l'âme flétrie d'ancestrales tristesses. Certains cependant ne revenaient pas.
Erald savait qu'on l'y laisserait entrer. Il avait été appelé.

Lory et lui voyagèrent encore quelques jours, accompagnés par la course du soleil vert et les rosaces des météorites. Le jeune homme était fébrile et épuisé. Lory même montrait moins de fougue, battait lourdement des ailes. Puis les couleurs se mirent à fuir des deux côtés du jour. Des étincelles blanches se mêlèrent à la poussière charriée par le vent. On arrivait en Miroir. Les voyageurs passèrent la porte Sud, depuis longtemps abandonnée – reste de civilisation au bout du monde. Au-delà une mer de brume mouvante s'étendait à l'infini et dissimulait le sol. Les perspectives s'y diluaient.
Toute la nuit, ils survolent cette impalpable terre. Il leur semble approcher d'un lieu incroyable qui les attire à lui et cherche à dévorer l'univers. Il fait de plus en plus froid. Pour la première fois depuis des années, Erald ne rêve pas.

Nouvelle caresse du jour, rêche et mordante. Erald vacille. Lory, à bout de forces, peine à maintenir sa trajectoire. À l'horizon des crêtes dentelées, dents d'ivoire dans une mâchoire bleue, ceinturent le monde. Qu'y a-t-il au-delà ?, songe Erald.
Ils chutent. Lory tourbillonne. Ses pauvres ailes, collantes de poussière et brisées de fatigue, flottent inanimées dans ce long sillage de vent qui s'échevèle derrière eux. Ils tombent dans la poussière qui tombe, en fine pluie, du ciel. Ce sont les larmes de Miroir. Ils plongent dans l'onde nuageuse. Ça ne fait pas de bruit. L'aube desséchée, au Nord, jette un rayon sanglant sur la plaine immense où ils disparaissent tous deux.

La forteresse noire tend sa bouche béante au-dessus des dunes, irradiant d'une beauté insoutenable. Erald fait face au palais de ses visions. Il ne sait ce qui a arrêté sa chute. Il a les mains en sang et la peau arrachée. Il avance. Un pas. Encore. Il entre. La gorge d'ombre déglutit.
Le hall est d'obsidienne nue. Des flammes de nacre en lèchent les murs. On dirait le mausolée d'une ancienne dynastie, la demeure splendide de l'éternité. Les courbes de la pierre, élégantes et raffinées, esquissent le récit d'une histoire sublime et inexplicablement cruelle. Erald pénètre dans un couloir aux ogives d'onyx. Il a la nausée ; entre ses lèvres brûlées passe un air coupant comme une lame. Épuisé, il titube jusqu'à une chambre tapissée de brocart noir. Des miroirs fumés entourent un lit funèbre où brûlent des larmes écarlates.
Des larmes.

Deux grands yeux noirs, des cils qui ne battent pas. Ses lèvres froides sur un baiser d'adieu. Daphné. La pierre elle-même murmure son nom. Un autre vient s'y mêler dans la litanie du deuil. Erald. Les échos de destins tragiques échouent sur les murailles et refluent vers la chambre. La percussion des siècles. Elle est vêtue de soie noir, sur le lit. Erald s'approche du corps mourant, fasciné par ce regard si vaste noyé de larmes rouges. L'éternité quitte cet être, maintenant qu'il est là. Elle l'a appelé et lui transmet son flambeau.
Erald comprend qu'il n'est qu'un maillon d'une chaîne immense, nouée de génération en génération. Dans l'écarlate incandescente qui baigne la couche, il s'allonge auprès de Daphné qui respire à peine. Est-ce un sacrifice ? Il sait qu'il doit souffrir pour que d'autres puissent vivre, qu'il lui faut embrasser cette douleur et la contenir en lui pour qu'elle n'absorbe pas le monde. Il paiera de sa vie le tribut de l'humanité, gardien de ce lieu jusqu'à ce qu'un autre à nouveau, appelé, désiré par lui, ne vienne l'en délivrer. Qui aurait pensé que Miroir fût si semblable à notre monde ?, songe-t-il. Le cœur de sable de ce pays bat sous la peau du désert, il pleure ses disparus. Tout a un prix, même le bonheur.
Prisonnier de ces révélations, Erald prend dans sa main celle de sa princesse morte, se noie dans un étouffant carmin. Des reflets gris teintent la salle. Seule une larme rouge, encore, attache à son esprit la conscience du monde. Mais il est né pour en sauver d'autres, et se perdre lui-même.

Et si personne n'en savait jamais rien ?